Les chroniques de la flemme : un mois de bande dessinée

Le mois de juin a été productif, mes lectures s’étant surtout articulées autour de la bande dessinée. Sans plus tarder, reprenons le schéma du bilan de mai et détaillons ce qu’il y a à détailler dans un marathon au long cours -sérieusement, si vous voulez tout lire, armez-vous d’une bouteille d’eau, par ce temps de forte chaleur, vous risqueriez la déshydratation…

2 juin

couv16093167On commence gentiment avec l’adaptation du roman de Michel Bussi, Nymphéas noirs. Je ne peux juger de la fidélité de la Bd par rapport au livre, ne l’ayant pas lu, même si sa réputation d’inadaptabilité me fait doucement ricaner. Giverny, petit village normand habité par le souvenir de Claude Monet et envahi d’une horde de touristes, est paisible. Jusqu’au jour où l’on retrouve un cadavre flottant dans un ruisseau, le crâne défoncé. On apprend très vite que ce dernier était sur la piste d’un tableau perdu de Claude Monet ; l’a-t-on assassiné pour garder l’œuvre secrète ? Une vieille femme, aigrie par la vie, semble en savoir plus sur ce crime et aiguille l’attention du lecteur sur l’histoire d’une jeune écolière qui veut participer  un concours de peinture qui pourrait lui rapporter une bourse d’études aux États-Unis et d’une institutrice, dont la beauté fait tourner bien des têtes, y compris celle de l’inspecteur, mais qui n’est pas heureuse dans sa vie, enfermée dans un Giverny figé dans le temps. Nymphéas noirs est une histoire à clef classique mais efficace, le tout servi par un graphisme soigné, qui ne cherche pas à imiter les toiles impressionnistes mais seulement à les évoquer grâce à un dessin semi-réaliste, avec un jeu de lumières subtil et envoûtant.

5 juin

couv18655401On reste dans l’adaptation de livre avec Servir le peuple, un roman de l’écrivain satiriste chinois Yan Lianke. Servir le peuple est un ouvrage subversif qui détourne allégrement le slogan de la Révolution Culturelle chinoise. Comme un clin d’œil au fameux petit livre de rouge de Mao, c’est avant tout la magnifique couverture de cette BD qui a attiré mon regard, avec ce petit soldat débraillé et une silhouette de femme alanguie en toile de fond. Petit Wu est désireux de plaire, à sa mère, à sa femme et à son chef de village qui le pousse à rejoindre l’armée pour gravir les échelons et intégrer le Parti Communiste. Désireux de bien faire, il apprend par cœur les slogans maoïstes pour éblouir ses supérieurs. Et il finit par se faire remarquer par le colonel qui le prend à son service. Petit Wu fait alors la connaissance de le jeune épouse du Colonel, sexuellement insatisfaite, et qui somme Petit Wu de bien servir le peuple et de combler chacun de ses désirs en citant Mao, vidant ainsi la doctrine de toute substance à force d’employer les citations à tort et à travers. Surtout que les deux jeunes gens découvrent rapidement qu’accomplir des actes contre-révolutionnaires décuplent leur plaisir et leur jouissance.

Servir le peuple est une BD intéressante, à ne pas mettre entre toutes les mains en raison de son contenu sexuellement explicite, servie par un dessin qui semble s’inspirer des affiches de propagande de l’époque maoïste. Naïf et minimaliste, le graphisme permet de saisir en peu d’efforts la situation des personnages, la misère dans laquelle vit la famille de Petit Wu, la vie quotidienne dans la Chine maoïste, l’omniprésence de la propagande du Parti.

couv75768523On enchaîne ce même jour avec Camp Poutine de Aurélien Ducoudray et Anlor, une bande dessinée plutôt destinée à un public adolescent. Le pitch ? Nous sommes en Russie, ce sont les vacances scolaires et un groupe de jeunes va passer deux semaines dans un camp d’entraînement militaire comme on enverrait nos gosses dans une colonie de vacances. À la clé, le meilleur survivaliste pourra rencontrer Vladimir Poutine himself, qui possède une datcha dans les environs.

Je n’ai pas été emballée plus que ça par cet ouvrage. Les personnages sont assez stéréotypés, la fille solitaire prête à tout pour gagner, l’ado rebelle qui aime le rap, un peu geignard et hyper connecté et le binoclard intello qui tombe amoureux de la fille solitaire qui s’attire l’inimitié du fils du commandant du camp parce qu’elle est meilleure que lui. L’histoire tourne au début beaucoup autour des petites rivalités et grandes jalousies de ces adolescents et elle ne devient réellement intéressante que dans les dernières planches. Mais j’ai aimé la façon de montrer l’endoctrinement de la jeunesse russe et le culte du chef mis en place autour de Vladimir Poutine. Au final, une BD loin d’être honteuse mais dispensable.

couv3530775On termine ce 5 juin avec une BD jeunesse, Zibeline de Régis Hautière et Mohamed Aouamri. Tannicia est une petite fille courageuse et butée, qui ne supporte plus de devoir aller à la rivière pour rapporter de l’eau pour sa famille alors que son grand frère ne fait jamais rien. Une nuit, alors qu’elle travaille à sa tâche, elle est kidnappée par des hommes masqués qui semblent se livrer à un rituel vaudou. Elle parvient à s’échapper de justesse mais tombe dans la rivière en s’enfuyant. À son réveil, quelle n’est pas sa surprise de constater qu’elle se retrouve dans un bayou inconnu, entourée d’un lion, d’un chameau et d’une crocodile anthropomorphes. Cherchant à retourner chez elle, Zibeline, car c’est le nom qui lui a été attribué, et ses nouveaux compagnons croiseront la route d’un roi gorille, roi fantoche et marionnette de son premier ministre. Et ils se verront contraints de fuir, accusés de régicide !

De Régis Hautière, j’avais déjà beaucoup aimé la série Les Spectaculaires. Je retrouve ici avec plaisir son humour qui fait mouche, et j’apprécie beaucoup cette nouvelle jeune héroïne, qui n’a ni froid aux yeux, ni sa langue dans sa poche. Ses trois compères sont attachants et apportent en grande partie l’humour du récit. Pour l’heure, premier tome oblige, on nous a surtout exposé les personnages et disséminé des éléments de l’intrigue. Mais celle-ci reste encore floue. Reste qu’elle promet une aventure pleine de mystères et de rebondissements pour la suite. À découvrir.

9 juin

71zBL5119BLPremier roman du mois de juin, La nostalgie du sang est un thriller où l’on suit l’enquête à travers les yeux de deux journalistes, l’un vieux brisquard qui connaît toutes les ficelles du métier, l’autre jeune stagiaire un brin paumée qui ne croit pas sa chance d’être prise sous son aile. Pour un avis plus détaillé, je vous renvoie à ma chronique, reste qu’un mois après, je trouve Ilaria toujours aussi horripilante.

10 juin

On commence par une BD qui ne m’a pas autant transportée que ce que j’avais espéré : L’art de mourir, de Philippe Berthet et Raule. Philippe Martin est un flic parisien qui revient à Barcelone avec une tâche difficile : identifier le corps d’une jeune femme qui pourrait être sa fille. Une fille née de sa liaison avec une belle catalane qui a disparu du jour au lendemain. Une mère éplorée, qui saura le retrouver pour le sommer de trouver l’assassin de sa fille, elle qui ne croit pas en la thèse du suicide. Philippe part donc sur les traces de sa fille, qu’il ne rencontrera qu’à travers les portraits dressés par ses amis proches. Et découvrira un dangereux gang qui sévit à Barcelone en toute impunité, avec pour chef un truand redoutable et sans pitié.

couv33222521L’intrigue promettait de tourner autour du monde de l’art, au final, ce n’est abordé que très légèrement. On y découvre une Barcelone réaliste, loin des clichés de cartes postales. C’est un aspect que j’ai apprécié. Pour le reste, je suis sur ma faim. Philippe Martin a tout du surhomme, lui qui parvient à dénouer un écheveau d’intrigues en à peine quelques heures, le tout en éliminant sans difficulté un gang que la police catalane n’arrivait pas à boucler depuis plusieurs années. Je n’ai pas été sensible non plus aux graphismes, que j’ai trouvé assez datés et vieillots. En bref, un scénario peu original et précipité, un méchant d’opérette et un héros surhumain, et un dessin, qui sans être mauvais, m’a laissé froide. Mais je suis certaine que L’Art de mourir saura plaire à tous les fans de Philippe Berthet.

couv39480598On continue avec les deux tomes de la série Hypnos, « L’Apprentie » et « La Disciple » de Laurent Galandon et Attila Futaki. Nous sommes dans le Paris de l’immédiat après-guerre. Camille est une veuve de guerre, mais n’a pas droit à une pension car son mari a été fusillé pour mutinerie (ou désertion ?). Elle travaille à l’usine, comme tant d’autres, mais est licenciée du jour au lendemain (en 1920, le code du travail, c’est pas génial). Or, sa fille est tuberculeuse et a besoin de soin. Acculée, Camille décide de mettre en pratique le talent que lui a transmis son époux : l’hypnose, pour pouvoir dépouiller de riches gentlemen. Hélas pour elle, elle choisit une mauvaise cible et la voilà obligé de travailler pour le contre-espionnage français qui la charge d’infiltrer un réseau d’anarchistes déterminé à s’en prendre à Clémenceau.

couv13613431J’ai malheureusement peu de choses à dire sur cette série. Le graphisme se démarque agréablement, il est dynamique et expressif, mais le design des personnages me dérangent un peu, avec leurs grandes épaules et leur côté filiforme. Ce qui n’est pas sans rappeler les peintures d’Otto Dix. Le scénario est cohérent et aborde une multitude de thèmes, tout en prenant le soin d’étoffer ses personnages, même secondaires : le passé d’Albertine, enfermée dans un asile psychiatrique, l’engagement politique de certains anarchistes etc etc… Le premier tome était efficace et convaincant, retranscrivant de manière réaliste le contexte de l’époque. Mais le problème survient pour moi avec le second tome et son parti pris de faire revenir un personnage d’entre les morts, avec une explication tirée par les cheveux à l’instar de ses motivations. Il n’est là que pour servir de cas de conscience à Camille. Un « méchant » un peu fantoche qui se dressera toujours, je le crains, sur la route de notre hypnotiseuse qui hésitera toujours à agir contre lui. Un cliché qui ne me donne pas forcément envie de poursuivre la série (qui ne compte que deux tomes pour l’instant).

12 juin

couv34093560.pngJ’ai craqué sur un nouveau titre manga : Beastars, de Paru Itagaki. Dans ce monde, les carnivores et les herbivores vivent en apparence en harmonie, les carnivores ayant dompté leur instinct de prédateur. Au sein de l’institut Cherryton, les animaux d’une même classe cohabitent pacifiquement. Jusqu’à ce qu’un alpaga se fasse sauvagement assassiné. Aussitôt, tous les soupçons se tournent vers les carnivores, en particulier sur Legosi, un jeune loup qui faisait partie, avec la victime, du club de théâtre et qui est le dernier à avoir vu l’alpaga vivant. L’équilibre au sein de l’école est menacée, et seul le Beastar, le leader incontesté de Cherryton, pourrait rétablir la symbiose entre les espèces. Et justement, les élections pour le désigner sont sur le point de commencer…

Beastars est une fable contemporaine qui nous parle bien évidemment de notre société, des enjeux de pouvoirs, de notre catégorisation sociale, de nos individualités, de nos relations à l’autre et de nos instincts. La mangaka joue habilement avec les codes, le loup Legosi souffre tout autant de son image de prédateur que de sa lutte intérieure pour combattre ses instincts, les herbivores sont dévorés par l’ambition et la jalousie de ne pas être placé plus haut sur la chaîne de la prédation. Singulier, Beastars se démarque assurément des sorties mangas de ces derniers mois. À lire et à méditer.

couv22684114On poursuit avec un petit coup de cœur pour Après l’enfer, le premier tome d’un diptyque qui allie habilement les univers d’Alice au pays des merveilles et du Magicien d’Oz avec la guerre de Sécession. Là encore, il s’agit d’un conte noir, voire même très noir. Dans le Sud vaincu, l’Union impose sa loi. Certes, l’esclavage est aboli, mais le Sud est soumis aux pillages, aux viols, aux expropriations. La fierté du Sud est mise à mal. Trois anciens confédérés, marqués par la guerre et la trahison du général Lee à Appomattox, vont faire fortuitement la rencontre de deux jeunes femmes : Dorothy et Alice. La première a vu sa famille périr et sa propriété être détruite, pire, de sa cachette, elle a assisté aux viols de sa mère et de ses sœurs. La vengeance l’a mise sur les routes, à la recherche du groupe nordiste coupable de ces exactions. La seconde, plus jeune encore, a aussi assisté au massacre de sa famille. Moins chanceuse, elle est devenue l’esclave sexuelle de l’un des agresseurs. Pour échapper à la violence de la réalité, Alice s’est réfugiée dans un monde d’illusions. Ensemble, ils vont partir à la recherche de l’or volé de la Caroline du Sud, pour retrouver un sens à une réalité bousculée.

Après l’Enfer évite habilement l’écueil de la représentation des méchants confédérés racistes et des gentils humanistes de l’Union. Rien n’est simple dans la guerre, rien n’est beau non plus. Nos cinq héros errent dans un Sud exsangue, qu’ils ne reconnaissent plus. La société telle qu’il l’avait connue, avec ses codes, ses traditions et ses habitudes, n’existe plus. La rancœur des vaincus n’a d’égale que la suffisance des vainqueurs. Et dans cette réalité poisseuse où tout reste à réinventer, on assiste impuissant à la montée de la haine, avec les débuts du Ku Klux Klan et des lynchages barbares. Un titre saisissant, servi par un graphisme soigné, aux teintes chromatiques réduites au minimum pour mieux rendre l’impression d’un monde mourant et d’une réalité vacillante.  Une BD qui vous donnera une furieuse envie de réécouter Strange fruit en vous enfonçant dans le Bayou en compagnie de Dorothy, d’Alice et de leurs compagnons d’errance.

13 juin

couv49600391On commence la journée avec « Déluge de feu », premier tome de la série La Venin, qui devrait en compter cinq. La Venin est une BD qui appartient au western, cette fois-ci, l’originalité est de suivre une femme, l’Ouest américain et sauvage étant plutôt un univers masculin. Emily est une jeune femme qui a quitté l’Est pour pouvoir se marier avec un homme rencontré par le biais des petites annonces. Manque de bol, celui-ci vient de décéder, la laissant apparemment désemparée dans un pays où elle ne connait personne. Mais Emily n’est pas aussi innocente qu’il n’y paraît. Fille d’une prostituée de la Nouvelle-Orléans, elle semble avoir une mission à accomplir et une vengeance à mener à bien.

Si j’ai bien apprécié le personnage d’Emily, jeune femme à la gâchette facile et déterminée à s’imposer dans un monde d’homme, La Venin n’est pas un titre qui m’a transportée, malgré son ambiance western spaghetti et ses petits clins d’œil à d’autres séries du même genre. Pour l’instant, les motifs de la vengeance sont encore flous, mais nul doute qu’ils seront révélés au fur et à mesure, on sait seulement que sa mère semble être au centre de son histoire, ce qui paraît un peu étrange au vu des relations compliquées qu’elles entretenaient. Le récit aborde aussi une multitude de thèmes, de façon trop légère et rapide, comme la question des droits des natives ou l’émancipation féminine.

couv9402860On reste sur une thématique féministe avec L’Âge d’or de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil. Dans un univers médiéval, le vieux roi impotent depuis longtemps finit par mourir. Sa fille ainée, Tilda, doit normalement monter sur le trône. Déterminée à soulager les souffrances de son peuple accablé par la famine et les guerres entre seigneurs féodaux, elle fait revenir auprès d’elle deux membres de la cour qui en furent jadis chassés, Tankred et Bertil, loyaux au souvenir de son père et soutiens des idées plutôt modernes de la princesse. Mais à la veille d’accéder au trône, Tilda est renversée par son jeune frère, marionnette bien commode de sa mère et de son ministre. La princesse est condamnée à l’exil… Grâce à l’aide de ses deux loyaux sujets, Tilda parvient à s’enfuir et ils atterrissent tous les trois dans une communauté de femmes, qui a érigé un village en pleine forêt, loin des hommes et de leurs guerres fratricides. Une mystérieuse sœur, qui se consacre à l’étude des textes anciens, les mettra sur la piste d’un livre ancien, si vieux qu’il en est devenu légende : L’âge d’or, qui relaterait dans ses pages le souvenir d’une époque où tous étaient égaux, où il n’y avait ni seigneurs ni serfs. Une idée révolutionnaire et dangereuse dans un système féodal bien pyramidal.

Cette bande dessinée me faisait de l’œil depuis sa sortie. Derrière l’épopée médiévale se cache une fable sociale, un récit romanesque entre utopie politique et aventure fantastique, inspiré par différents éléments et événements de notre Histoire. Il y a en Tilda un peu de Jeanne d’Arc, tout comme le soulèvement du peuple rappelle les jacqueries qui secouèrent l’Europe à partir du XIVe siècle. Le peuple a désormais d’autres aspirations que la servitude, et le rêve d’égalité les anime suffisamment pour oser se rebeller contre l’ordre établi. Les seigneurs ne l’entendent pas ainsi, et même la moderne Tilda, qui cherche avant tout un moyen de récupérer son royaume, semble considérer cette idée avec méfiance. J’ai été particulièrement séduite par le discours de ce récit, où l’on retrouve aussi les classiques scènes attendues où l’on combat à l’épée pour sauver sa vie, où l’on se fait renverser par ses proches dans des jeux de pouvoir complexes. Le graphisme est original, et ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais Cyril Pedrosa a pris le parti de s’inspirer des enluminures de l’époque médiévale, et a repris à son compte l’absence de perspective -perspective qui n’aura été découverte qu’au XVIe siècle. Au final, un mélange audacieux très moderne et dynamique, qui se distingue sans difficulté de la production actuelle. Magistral !

16 juin

couv75835657J’ai toujours eu un goût assez prononcé pour le glauque et le bizarre. Goût qui fut amplement comblé par « Derrick » (non, pas l’inspecteur aux yeux globuleux et à l’imper délavé), premier tome de la série RIP. Derrick est un homme usé par la vie et un métier qu’il ne supporte plus : il nettoie les maisons où l’on a retrouvé des personnes décédées (généralement dans l’indifférence la plus totale). Vers et odeur de pourriture sont son quotidien. Le seul avantage de son boulot : il peut ramener chez lui les boîtes de conserve. Pour le reste, il doit collecter tous les objets de valeur que pourront récupérer des héritiers aux dents longues. Mais un jour, la tentation est trop grande et, alors que personne ne le regarde, il s’empare d’une bague sur le cadavre décomposé d’une vieille femme. Le début d’un engrenage fatal dans lequel Derrick se laisse entraîner comme en spectateur. Car son vol va déclencher une série de catastrophes et de meurtres qui décimeront l’équipe de nettoyage. Si le tome se clôture sur sa propre fin, les autres tomes prévus (un pour chaque membre de l’équipe de Derrick semble-t-il) apporteront un éclairage nouveau sur les événements survenus dans le premier. C’est volontiers sordide et glauque, ironique et grinçant et ça vaut le coup d’œil.

18 juin

couv1499629Deuxième roman du mois, et deuxième thriller, Une femme entre nous semble être un classique trio entre la femme, la maîtresse et le mari. Mais il n’en est rien ! Vanessa est une femme au foyer qui s’est vu évincé de sa vie de rêve par sa rivale. Son mari l’a mise à la porte, le divorce ne lui a pas rapporté un sou et elle se retrouve, à 35 ans, chez sa vieille tante, unique famille qui lui reste, et pour seul réconfort la bouteille. La jeune Nellie, elle, semble vivre l’amour parfait auprès de Richard, qui se montre prévenant et toujours protecteur envers sa future épouse. Elle s’inquiète bien un peu de son ex, mais il refuse toujours de lui en parler, considérant ça comme de l’histoire ancienne. Mais Nellie se sent de plus en plus menacée au fur et à mesure que son mariage approche, des coups de fil anonyme, l’impression d’être suivie et surveillée l’oppresse. Et si sa rivale voulait se venger d’elle et récupérer à tout prix Richard ? Scénario banal me direz-vous. Et bien, pas tant que ça. Même si j’ai de suite compris les tenants et les aboutissants de l’énigme, j’ai apprécié cette lecture. Vanessa et Nellie ont une vraie personnalité, ce sont deux femmes bien différentes, à deux âges charnières : l’une plus vieille, qui se retrouve sans rien à l’aube de la quarantaine, tandis que l’autre est encore au matin de sa vie, un oisillon qui n’en croit pas sa chance d’être tombée amoureuse d’un homme comme Richard, qui a un avenir plein de promesses devant elle. Une lecture idéale pour cet été, qui vous garantit de passer de surprises en rebondissements (même si certains me semblent assez superflus).

21 juin

couv63293789Allez, tenez bon, on s’approche doucement de la fin du mois ! Pour le premier jour de l’été, je suis tombée sur une petite pépite qui n’a malheureusement que peu fait parler d’elle. Il s’agit de À l’ancienne, une BD de Benoît Vieillard et Julien Monier. Julius Jacob perd la mémoire. Et c’est bien dommage, car comment expliquer qu’il se retrouve dans le métro, avec un pochon de diamants dans son étui à violon ? Dans une intrigue qui avance à rebours, on va suivre Julius et ses compagnons, plus ou moins sympathiques, plus ou moins recommandables, dans un Paris qui semble en proie à une insurrection civile menée par un certain Furax Liberator, avec une police à cran, sur la piste d’un mystérieux braquage sur la place Vendôme. Il y a dans À l’ancienne un mélange de Mémento et des Vieux Fourneaux. Comme dans le film de Nolan, la narration se fait à rebrousse poil, le début de l’histoire est en fait sa fin, et l’on va découvrir au fil des pages comment Julius en est arrivé là. Pour le côté Vieux Fourneaux, c’est évidemment ses personnages, tous issus du troisième âge, qui semblent s’offrir une seconde jeunesse ou une dernière aventure avant l’oubli. Mais contrairement à Pierrot, Mimile et Antoine, truculents et turbulents, il y a une part de mélancolie chez Julius, et une certaine solitude qui le fait revenir sur son passé. Entre références cinématographiques multiples, humour et mélancolie, À l’ancienne a été une belle découverte et une jolie surprise que je vous invite à vous procurer.

24 juin

couv25136158Deuxième titre manga du mois, Marry Grave de Hidenori Yamaji s’est révélé un brin décevant. Pas qu’il soit franchement mauvais, mais parce que je ne suis vraiment plus la cible de ce genre, trop centré sur un public adolescent (l’air de rien, je vieillis). Sawyer Riseman est un jeune homme qui voyage à travers une terre désolée, ravagée par des hordes de monstres et de démons. Les humains sont traqués en raison de leur chair particulièrement savoureuse je présume. Mais Sawyer ne voyage pas seul : en effet, il se trimballe sur le dos un énorme cercueil. À l’intérieur, sa femme décédée. Le but de son voyage ? Rassembler des ingrédients magiques pour pouvoir ramener Rosalie à la vie. Bien évidemment, au cours de ses pérégrinations, Sawyer gagnera en puissance, se fera des amis, touchés par sa naïveté et sa sincérité, et des ennemis, agacés par sa naïveté et sa sincérité, et règlera les problèmes existentiels des personnages qu’il croisera sur sa route. Un titre shônen banal, un graphisme somme toute correct bien que parfois un peu brouillon dans les scènes de batailles, rien qui ne se démarque vraiment dans ce Marry Grave – bien que je trouve tout de même un peu glauque de se promener avec le cadavre de sa femme sur le dos, mais ça, chacun ses goûts…

25 juin

couv53835159On sort de la BD pour se retrouver une nouvelle fois du côté du thriller avec L’Empathie d’Antoine Renand. Pour ne pas rallonger une chronique déjà bien longue, je vous renvoie de suite à ma critique, qui détaillera plus amplement mon avis.

29 juin

couv56603819La Der des ders, je vous le jure. Bien qu’on ne finisse vraiment pas sur le meilleur, mais bon…que voulez-vous, ce sont les aléas d’une vie de lecteur (en même temps, soyons honnête, je ne m’attendais pas à trouver plus que ce que j’y cherchais). Nous voilà donc avec « Gare aux fantômes », le quatorzième roman de la série Agatha Raisin, que l’on ne présente plus. Notre sémillante quinqua a été définitivement larguée par son James, elle s’ennuie une nouvelle fois à mourir à Carsely et est bien décidée à renoncer aux mâles jusqu’à la fin de ses jours. Mais un nouveau voisin s’installe dans le cottage de son ex, et celui-ci a autant de goût qu’Agatha pour se mêler des oignons des autres. Ensemble, ils se mettront sur la piste d’une vieille femme désagréable retrouvée morte chez elle, apparemment parce qu’elle est tombée dans les escaliers. Mais Agatha n’y croit pas, la victime était certes vieille mais d’une constitution solide. C’est un meurtre, décrète-t-elle. Et elle est déterminée à résoudre ce mystère avec le beau Paul Chatterton, dont le charme met à l’épreuve les bonnes résolutions de Mme Raisin. En bref, rien de nouveau sous le soleil brumeux des Costwolds. L’histoire suit exactement les mêmes schémas que les treize tomes précédents, Agatha est toujours aussi désagréable et en même temps attachante, elle est toujours poursuivie par ses démons amoureux et le « méchant » de l’histoire est toujours aussi prévisible. Une comédie policière gentillette et amusante, sans plus. Aussi vite lu qu’il sera oublié, mais je ne cherchais pas plus avec cette lecture.

Finale

Si vous devez retenir en priorité certains titres, pour moi, ce seraient ceux-là :

  • Benoît Vieillard & Julien Monier, À l’ancienne, Filidalo, 2019, 112 p. (et en plus, vous soutenez une petite maison d’édition qui fait un travail formidable. Je vous parlerai un jour de Devil Street)
  • Cyril Pedrosa & Roxanne Moreil, L’âge d’or, tome 1, Dupuis, « Aire libre », 2018, 228 p.
  • Damien Marie & Fabrice Meddour, « Le jardin d’Alice », Après l’enfer, tome 1, Bamboo, « Grand Angle », 2019, 54 p.

Dans les bonnes lectures (enfin, disons celles que j’ai aimé mais qui n’ont pas été des coups de cœur) :

  • Alex W. Inker & Yan Lianke, Servir le peuple, Sarbacane, 2018, 202 p.
  • Régis Hautière & Mohamed Aouamri, « Sur l’autre rive », Zibeline, tome 1, Casterman, 2019, 54 p.
  • Paru Itagaki, Beastars, tome 1, Ki-oon, « Seinen », 2019, 208 p.
  • Julien Monier & Gaët’s, « Derrick », RIP, tome 1, Petit à petit, 2018, 120 p.
  • Greer Hendricks & Sarah Pekkanen, Une femme entre nous, Sonatine, 2018, 456 p.
  • Antoine Renand, L’Empathie, Robert Laffont, « La bête noire », 2019, 447 p.
  • Cassegrain, Duval & Bussi, Nymphéas noirs, Dupuis, « Aire libre », 2019, 144 p.

Les autres (les dispensables, les déceptions, les bof-bof-mouais) :

  • A. Ducoudray & Anlor, Camp Poutine, tome 1, Bamboo, « Grand Angle », 2019, 56 p.
  • Laurent Astier, « Déluge de feu », La Venin, tome 1, Rue de Sèvres, 2019, 66 p.
  • Laurent Galandon & Attila Futaki, « L’Apprentie » et « La Disciple », Hypnos, tomes 1 et 2, Le Lombard, 2017 et 2019, 56 p.
  • Raule & Philippe Berthet, L’art de mourir, Dargaud, 2018, 64 p.
  • Hidenori Yamaji, Marry Grave, tomes 1 et 2, Kana, « Shônen », 2019, 208 p.
  • Mc Beaton, « Gare aux fantômes », Agatha Raisin, tome 14, Albin Michel, 2018, 342 p.
  • Dario Correnti, La nostalgie du sang, Albin Michel, 2019, 528 p.

Jean-Honoré Fragonard, La Liseuse, 1770, Washington, Nation Gallery of Art.

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