Noli me tangere : l’abandon des sens

Quatrième de couv’ :

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Laura, belle et brillante épouse d’un grand écrivain, disparaît alors qu’elle était sur le point de finir son premier roman. Son mari s’inquiète, la presse s’emballe et toute une ribambelle d’amants en profitent pour dire tout le mal qu’ils pensent d’elle.

Mais Laura est-elle cette séductrice cruelle et sans cervelle, cette femme calculatrice et superficielle, ce monstre d’égoïsme que décrivent ses amants ? Ou bien un être tourmenté et absolu, avide de spiritualité, chroniquement affligé de crises de mélancolie, de ghibli, comme elle dit, qui l’obligent à se retrancher du monde et des hommes ?

Le subtil commissaire Maurizi mène une enquête discrète sur les traces d’une femme mystérieuse, fascinée par la fresque de Fra Angelico, Noli me tangere, qui a magistralement orchestré sa propre disparition.

Chronique :

Le célèbre écrivain Todini alerte la police : sa femme, Laura Garaudo, a disparu alors qu’elle lui avait fait croire qu’elle se trouvait dans leur maison de campagne, en train de finir son premier roman. Le commissaire Maurizi est nommé pour mener une enquête singulière : on découvre vite que Laura a tout orchestré. Pourquoi a-t-elle choisi de disparaître ?

Ce court roman peut dérouter par sa forme : il est entièrement constitué de dialogues, ceux-ci parfois entrecoupés d’articles de presses, de lettres ou d’une pièce de théâtre. C’est à travers le regard des autres que Laura se dévoile et se raconte. Et on se rend compte qu’elle a autant de personnalités que Maurizi a d’interlocuteurs. Tour à tour dépeinte sans cervelle et sans culture, avant d’être une brillante doctorante en histoire de l’art, séductrice patentée ou en recherche constante d’un père de substitution, égoïste superficielle ou cœur généreux.

Le commissaire Maurizi reconstitue peu à peu le puzzle d’une femme complexe et tourmentée, déchirée par une vie vide de sens, faite de rien.

Car tous les indices que Laura sème mènent vers une seule et unique piste : sa soudaine obsession pour sa thèse sur Fra Angelico et le thème du Noli me tangere, après sa rencontre avec un brésilien, Peixoto. Alors que Todini brasse de l’air en prétendant que sa femme est victime d’une secte, Maurizi se penche sur ce regain d’intérêt chez Laura.

Noli me tangere, les premières paroles prononcées par Jésus ressuscité à Marie-Madeleine qui tend les mains vers lui. Ne plus toucher son corps, emprunt de matérialité.

Les indices laissés par Laura au fil de ces voyages à travers l’Italie sont autant de signes de son dépouillement matériel. Car c’est bien un cheminement spirituel que la jeune femme suit. Noli me tangere, c’est l’adieu au sens de Laura, l’abandon de ses besoins matériels pour essayer enfin de donner un but, un sens à son existence.

Finale :

Sous un aspect de roman policier, ce n’est pas pour une fois un tueur que l’on traque mais un portrait de femme que l’on reconstitue. Un court roman qui a aussi pour intérêt de vouloir se replonger dans un thème pictural particulier, illustré par les plus grands maîtres de la peinture. Une bonne occasion de se pencher à nouveau sur ces artistes et leur travail.

Le texte en lui-même est très facile à lire, un peu trop rapide peut-être, mais dynamique et non dénué d’humour. À découvrir.

 

Le Corrège, Noli me tangere, 1525. Musée du Prado, Madrid.

Andrea Camilleri, Noli me tangere : Ne me touche pas, Métailié, « Bibliothèque italienne », 2018, 139 p.

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