La Purge : cri de révolte

Quatrième de couv’ :

9782260032502ORI » Vous, Mademoiselle, dites-nous ce que vous en pensez, vous qui avez raté votre devoir.  » Aucune forteresse ne résiste à cela. Blême, frissonnante, l’expression fissurée par la déflagration, l’estomac enfoncé, l’espérance perdue, elle se faisait violence avec un héroïsme en tous points admirable pour ne pas fondre en larmes ou sombrer sous la table.
Sans complaisance, un étudiant décrit le quotidien d’une année d’hypokhâgne, sacro-sainte filière d’excellence qui prépare au concours d’entrée à l’École normale supérieure. Face au bachotage harassant, au formatage des esprits et aux humiliations répétées de professeurs sadiques, la révolte gronde dans l’esprit du jeune homme…

Chronique :

Après une grosse semaine de silence, je reviens avec La Purge, premier roman d’Arthur Nesnidal, qui se présente comme une dystopie sur l’enseignement supérieur et les classes préparatoires littéraires, ici hypokhâgne .

Le narrateur se présente comme un ancien élève des classes préparatoires, et il raconte son expérience dans une société qui, apparemment, ne connaît plus cet enseignement, et semble avoir connu une catastrophe. Sur cet aspect du texte, on n’en saura pas plus. Et je dois avouer ne pas avoir très bien saisi son intérêt, si ce n’est pour renforcer le côté dystopique du récit. C’est très secondaire, un background qui sert de prétexte à raconter son année, assez chaotique et plutôt dramatique, au sein d’hypokhâgne.

Et quelle année ! Le lecteur est plongé dans les affres et désastres de l’enseignement supérieur. Comme pour La Leçon de Ionesco, La Purge est une satire d’un enseignement présenté comme absurde et aliénant, un apprentissage qui va à l’encontre du bon sens. On n’y apprend pas à réfléchir mais à recracher une masse informe de savoir, le par cœur est de rigueur, et l’humiliation est un outil pédagogique. Les portraits des professeurs sont peints au vitriol, de même que les coreligionnaires de notre narrateur. Car le mépris de classe est aussi de mise en classe prépa. Les boursiers, dont fait partie le narrateur, sont traqués. Ils sont le maillon faible de ces futures élites de la nation. L’entre-soi est poussé à son comble et entretenu savamment par nos bons professeurs. Et au milieu de ce monde de loups et de chacals, le narrateur tente de résister au formatage à la manière du cancre de Prévert, en dessinant des scènes obscènes et colorées sur les tableaux noirs des professeurs.

Mais La Purge, c’est aussi une forme. C’est un texte très littéraire, qui fait appel à tout un ensemble de registres et de figures de style. Certains y trouveront un aspect « catalogue » assez déplaisant, une sophistication un brin pompeuse et ampoulée. Et je dois avouer que parfois, j’ai trouvé la forme un peu lourde. Mais la pesanteur que l’on ressent au début du récit est l’écho de la lourdeur de l’enseignement qu’il subit et le texte s’allège -sans perdre de sa qualité- au fur et à mesure que le narrateur recouvre son goût de la liberté.

Finale :

Si je n’ai pas été transportée de bout en bout par le récit, La Purge est tout de même un texte intéressant et prometteur qui vaut la peine d’être découvert. La lecture est en général plaisante si on ne se force pas à vouloir continuer pour arriver plus vite à la fin. Il faut prendre le temps de faire des pauses.

Arthur Nesnidal, La Purge, Julliard, 2018, 160 p.

2 commentaires sur “La Purge : cri de révolte

  1. Pathétique !

    Le style est systématiquement surfait. La prose est d’une lourdeur sans nom, je ne recommande pas ce livre dont la lecture fut un calvaire. Le combat mené par l’auteur est rendu inaudible par cet embourgeoisement sémantique qui est un affront de plus aux classes dites populaires. Une immense déception

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    1. Bonjour,

      merci d’avoir partagé votre avis et votre expérience de lecture. Cependant, s’il est tout à fait légitime d’être repoussé par le style de l’auteur – j’ai moi-même signalé que je me suis sentie parfois étouffée par la lourdeur de la forme – la qualification d' »embourgeoisement sémantique » est ridicule, l’auteur n’utilisant que les ressources de la langue française (à moins de penser que le langage est un fait bourgeois et un élément constitutif de sa puissance sur la masse populaire, ce qui peut toujours se défendre), de même y voir un affront aux classes populaires (dont je suis issue) n’a pas de sens, à moins de croire que les « populos » ne comprennent pas leur propre langue et ses usages écrits. Et là, on frôle la démagogie.

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